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françois hollande - Page 14

  • Hollande, la France et l'Amérique...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Claude Bourrinet, cueilli sur Voxnr et consacré à cette étrange politique d'"amitié" franco-américaine qui justifie tous les renoncements...

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    Hollande, la France et l'Amérique
     
    François Hollande, le 6 juin dernier, n’a pas manqué de louer les Etats-Unis d’Amérique, et leur rôle dans la « Libération » de notre pays. Le débarquement sur les plages de Normandie est pour lui le symbole d’un partage de valeurs entre les deux nations, qui nous lie indéfectiblement. Les Français auraient-ils tant décliné, qu’ils seraient devenus incapables d’analyser leur histoire avec lucidité, sans être brouillés par les effluves toxiques de l’idéologie ? Pourtant, les faits donnent brutalement tort à la rhétorique complaisante, pour peu qu’on se penche sur eux sans idées préconçues.

    Aussi bien, Hollande, avant de s’abandonner au lyrisme, aurait-il dû se souvenir des paroles de Mitterrand, qui déclarait, dans les derniers mois de son existence, à Georges Marc Benamou : « La France ne le sait pas, mais nous sommes en guerre avec l’Amérique. Oui, une guerre permanente, une guerre vitale, une guerre économique, une guerre sans morts. […] Oui, ils sont très durs, les Américains, ils sont voraces, ils veulent le pouvoir sans partage sur le monde. »

    Voilà qui a le mérite, tardif, de la clarté. L’ancien président, malgré tout atlantiste, comme le fut toujours le parti socialiste, avait tout fait pour placer la France sous le giron américain. Il est des scrupules et des franchises que hâte l’imminence de la mort…
    Mais avant de s’interroger sur la réalité d’une « Libération » qui est loin d’en être une, peut-être est-il besoin de rappeler quelles étaient les relations qu’entretenaient nos « libérateurs » avec le régime de Vichy et, parallèlement, avec le général de Gaulle et la Résistance intérieure.

    Le moins que l’on puisse dire est que le gouvernement du maréchal Pétain a longtemps été préféré à la France Libre. Les diplomates du States Department (ministère des Affaires étrangères), ou les influents Cordell Hull et Summer Welles, n’ont eu de cesse que de dénigrer de Gaulle. Franklin Roosevelt, par exemple, a pensé que Weygand livrerait sans combat l’Afrique du Nord à l’armée américaine. Même lorsque le pro allemand Darlan prend le pouvoir, le crédit dont bénéficie Pétain ne change pas ces dispositions favorables. Du reste, l’entrée en guerre des Etats-Unis, le 7 décembre 41, ne change rien à l’affaire. Tout sera fait pour écarter de Gaulle. Cette attitude hostile est, par ailleurs, confortée par le socialiste Jean Monnet, « père de l’Europe », comme l’on sait. Un signe indubitable de cette politique pro vichyste a été la nomination, comme ambassadeur auprès de Pétain, de l’amiral William Daniel Leahy, et ce jusqu’en mai 42. Pourtant, les US sont en guerre contre l’Allemagne, dont le gouvernement français, collaborationniste, souhaite la victoire. Quant au remplaçant de l’amiral, son adjoint Tucck, il n’aura aucun mot sur la déportation des Juifs, hormis une simple protestation, en août 42, contre le fait que l’on sépare les enfants des parents. Eût-il fallu que les premiers suivissent les seconds ?

    Quand, le 8 novembre 43, les Alliés débarquent en Afrique du Nord, à Alger, à Oran, sur les côtes du Maroc, les Français de la France combattante, à Londres, en sont les derniers informés. En tout cas n’étaient-ils nullement impliqués dans l’opération « Torch ». Les Américains, maîtres du jeu, choisissent le général Giraud, soutenu par Churchill. Dans le même temps, au grand dam du général de Gaulle, ils négocient avec Darlan. Le 19 novembre, tous les réseaux de Résistance soutiennent de Gaulle. Pour faire connaître son indignation, celui-ci est obligé d’emprunter, faute de la BBC, la radio de Brazaville et celle de Beyrouth.

    Les combats qui suivent le 6 juin sont aussi significatifs. Rappelons, avant tout, certains chiffres, qui ne manquent pas d’étonner les esprits trop conditionnés par la propagande. Car si l’on comptabilise les victimes de la deuxième guerre mondiale, le bilan est remarquablement loquace : l’Union soviétique, autrement dit la Russie éternelle, comme disait le général, a donné à la « Guerre patriotique » environ 21 000 000 morts, soit 13 600 000 civils, et entre 8 800 000 et 10 700 000 soldats. L’Allemagne a perdu 3 810 000 militaires, et 5 318 000 civils. Quant au Royaume uni, il a subi 450 000 pertes, les USA 418 000 (fronts atlantique et pacifique confondus), et la France … 541 000, dont 238 000 civils.

    Il convient de rappeler que les bombardements alliés des villes françaises ont été très meurtriers, et parfois dénués d’intérêt militaire. Tel est le cas, entre autres, de la destruction du Havre. Du 5 septembre 44 au 10 septembre, malgré la présence de la population, la ville a été rasée. On déplore des milliers de morts innocents. Il n’y avait aucun objectif militaire.

    Et que dire des vagues destructrices et terroristes qui ont anéanti Hambourg, Dresde, Berlin etc. ? Ces cités n’abritaient parfois que des enfants, des femmes, des vieillards et des prisonniers de guerre. Guernica, à côté, n’est qu’un travail d’amateur. Pourtant, on ne cite, dans les écoles, que la ville martyre basque. Du reste, l’Amérique a perdu tout crédit moral à partir des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki, dont, en France, la commémoration est pour le moins discrète.

    Les Français doivent aussi absolument savoir qu’ils ont été tenus soigneusement à l’écart de l’opération « Overlord ». En fait, les Alliés envisageaient d’organiser le même système d’occupation qui avait transformé l’Italie en protectorat (l’A.M.G.O.T. , Allied Military Government of Occupied Territories). Dans le même temps, ils voulaient émettre leur propre monnaie, acte régalien dont on sait combien il est le signe et la preuve de l’indépendance nationale.

    Toutes ces tensions entre la France combattante et les « libérateurs » anglo-saxons expliquent pourquoi de Gaulle esquissa assez vite un rapprochement avec la Russie (et subsidiairement avec le parti communiste français).

    Les acquis sociaux du C.N.R. seront, du reste, mis en cause par les « traités » libéraux européens sous impulsion américaine, dans l’Acte unique, à Maastricht, a Amsterdam, à Nice..., en même temps que gaullistes et communistes perdaient de leur influence.
    Pourquoi les USA ont-ils été de façon si tenace hostiles au chef de la France libre ?
    La véritable raison réside non dans la personne du général, réputé autoritaire et conservateur, voire fasciste (sans doute Weygand, Darlan, Giraud l’étaient-ils moins…), mais dans la crainte d’une France indépendante et soucieuse de sauvegarder la place qui a toujours été la sienne ; ce que n’allait pas cesser de rappeler, à partir de 1958, le premier président de la cinquième République.

    Pour comprendre l’attitude profonde des USA vis-à-vis de la France et de l’Europe, il faut la mettre en regard avec le déclin du vieux continent, accéléré à partir de la première guerre mondiale, une « guerre civile », selon le mot du maréchal Lyautey. L’armistice n’a pas empêché une perte de puissance, économique, démographique, culturelle, des nations victorieuses, et un endettement colossal, qui les mit sous la dépendance des banquiers yankees. La doctrine de Wilson, en outre, du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, fut un instrument de démembrement de l’Europe, et instilla les germes d’une guerre à venir. Cette idéologie est celle que l’on invoquera pour la décolonisation, contre les vieux pays européens. Déjà, en 41, la « Charte de l’Atlantique » entre Roosevelt et Churchill, l’évoque, contre la volonté du vieux lion. Au fond, les USA ont repris, lors des deux guerres mondiales, en partie du moins, la conception britannique formulée par Marlborough, à l’occasion de la guerre de succession d’Espagne : diviser les nations du continent européen, et n’intervenir qu’indirectement, par l’argent ou les armes.

    La méfiance américaine par rapport à de Gaulle avait donc un fondement plus large que des questions d’homme. C’était une logique géopolitique. Le désir de se substituer à la vieille Europe est un rêve du Nouveau Monde. Une France rétablie dans ses prérogatives était un obstacle à cette volonté hégémonique.

    Pour illustrer cette entreprise conquérante, rien ne semble plus adéquat que l’accord Blum-Byrnes, le 28 mais 46. Moyennant la liquidation d’une partie de la dette française envers les Etats-Unis, et contre un prêt avantageux, on sait que le leader socialiste a ouvert les salles de cinéma de notre pays à la déferlante hollywoodienne, et à l’imaginaire de l’american way of life, qui ne nous a guère quitté, et qui est le signe ostentatoire de la colonisation des esprits, sinon des corps.

    Déjà, en 44, à Bretton Woods, la suprématie du dollar avait été entérinée. En 47, les accords du GATT sont signés, fondant les bases de ce qui allait devenir le mondialisme libéral. Aussi, les Etats-Unis, épargnés par la guerre, deviennent-ils les maîtres d’une partie du globe.

    L’Union européenne, qui devait rétablir un certain équilibre, n’a fait qu’accélérer ce processus de vassalisation. Pour Delors, la France et l’Europe n’ont plus pour vocation que de s’intégrer aux organismes sous obédience américaine. Hors de là, point de salut. Hollande ne fait qu’appliquer cette politique. Outre celle, libérale, poursuivie par tous les gouvernements, quels qu’ils soient, il n’a pas remis en cause, à Camp David et à Chicago, l’appartenance de l’armée française à l’OTAN, ni le lancement, dirigé contre la Russie, du bouclier antimissile « européen ». Malgré une inflexion apparente, en Afghanistan (mais à relativiser) et un voyage énigmatique de Rocard à Téhéran, il n’a pas changé d’un iota la position agressive du Quai d’Orsay vis-à-vis de l’Iran, de la Russie, de la Syrie, après avoir, du reste, appuyé la guerre néocolonialiste menée en Libye. Il partage de même, avec Sarkozy, la même faveur par rapport à l’Etat sioniste.
    Aussi n’est-il pas étonnant que Nicholas Dungan, l’ex-patron de la French American Foudation, ait pu rassurer les dirigeants américains, en rappelant au Think Tank Atlantic Council que le nouveau président avait été, comme Moscovici, un ancien participant au programme des Jeunes leaders de la F.A.F.
     
    Claude Bourrinet (Voxnr, 13 juin 2012)
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  • Un président très ordinaire...

     

    Nous reproduisons ci-dessous un texte drôle et mordant de Frédéric Rouvillois, cueilli sur Causeur et consacré à la présidence «normale» de François Hollande. Professeur de droit public à l’université Paris Descartes, Frédéric Rouvillois est l'auteur de plusieurs ouvrages d'histoire des idées comme Histoire de la politesse (2006), Histoire du snobisme (2008),  tous deux diponibles en format de poche dans la collection Champs Flammarion, ou L’invention du progrès (CNRS éditions, 2010) et plus récemment, Une histoire des best-sellers (Flammarion, 2011).

     

     

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    Hollande, un président très ordinaire

    A six heures moins dix, comme tous les matins, le radio réveil se mit à hurler, et François, à tâtons, dut s’y reprendre à trois fois pour le faire taire. Il ne voulait surtout plus d’embrouilles avec les voisins du dessus qui se plaignaient aigrement de ces réveils en sursaut et qui pour se venger taguaient régulièrement sa porte et sa boîte aux lettres. Le calme rétabli, François ouvrit un œil avec difficulté. La nuit avait été brève, et encore, il avait eu de la chance qu’un des gardes du corps puisse le véhiculer jusqu’à Bobigny. Lorsqu’ils étaient revenus de Bruxelles avec Pierre, Laurent et Arnaud, le RER ne fonctionnait plus, et la question de son retour nocturne l’avait perturbé pendant une bonne partie du Conseil européen. Il faut dire que ce n’était pas normal, tout de même, ces réunions qui se prolongeaient indéfiniment et se terminaient à point d’heure, longtemps après le départ de la dernière rame ou du dernier bus… C’est vrai aussi qu’il aurait pu utiliser, pour une fois, la Twingo officielle garée devant l’Élysée. Mais il avait toujours un peu peur de se faire vandaliser, même maintenant que la voiture avait été banalisée, repeinte en beige et dépouillée de tout insigne distinctif. Décidément, il valait mieux prendre les transports en commun.

    Émergeant doucement de son demi-sommeil, François se souvint à ce propos qu’il devait deux tickets à Raymond, le portier-adjoint de l’Élysée ; ce mois-ci, entre un G 20 à l’autre bout du monde, la guerre en Syrie qui se prolongeait, la sortie de la Grèce, la faillite de l’Espagne, les sommets européens et les Conseils des ministres en veux-tu en voilà, il n’avait pas eu le temps de recharger son passe Navigo cinq zones. Et il envisageait avec terreur l’idée de se faire contrôler en infraction par des agents de la RATP, vraisemblablement marinistes, qui seraient trop contents d’aller baver auprès de la presse de droite. Il imaginait d’ici les gros titres duFigaro ou de L’Express : « Mon président est un tricheur ! », « Ce n’est pas normal de ne pas payer son billet », « Le retour des privilèges », « L’Etat des passe-droits », etc, etc. Et hop, en un instant, des années d’efforts qui partent en fumée. Il préférait ne pas y penser. D’ailleurs, il fallait qu’il se dépêche un peu. Il se cala sur l’oreiller, essayant de repérer ses savates dans l’obscurité de la chambre. Celle-ci ne payait pas de mine, mais, justement, c’est ce qui avait plu aux reporters de Paris-Match. Ça et le lit IKEA, republican size, comme il disait parfois, qu’il avait eu tant de mal à monter après le départ de Valérie.

    Ça aussi, c’était normal. De nos jours, les couples ne durent plus, et honnêtement, il ne pouvait pas lui en vouloir, à Vava, d’avoir eu du mal à supporter la vie en HLM, les désagréments de la cité, les quolibets des vendeuses de l’hypermarché et le regard narquois de ses collègues venus photographier le F3 présidentiel avec vue plongeante sur le périph. La chambrette n’avait qu’un inconvénient, c’est qu’il risquait toujours d’égarer quelque chose dans ce désordre. Comme lorsqu’il était parti en car, l’autre semaine, pour se rendre au Portugal en visite officielle, et qu’il avait laissé la valisette nucléaire derrière le caddie rempli de packs de lait écrémé. Ou la fois où il était allé avec Laurent à Beauvais prendre un avion de la Ryanair pour Dakar, et qu’il s’était aperçu, rouge de confusion devant les douaniers goguenards, qu’il avait oublié son passeport. Maintenant, il en souriait, mais sur le moment, ça avait été terrible, il avait fallu appeler le Quai d’Orsay pour décommander la réunion avec le président sénégalais, et tout le toutim. Mais bon, c’est comme ça, on est normal ou on ne l’est pas.

    Dehors, sous la lumière blême des réverbères, les parkings de la cité étaient luisants de pluie et déjà noirs de monde. François entendit distinctement ses voisins du dessus, furieux d’avoir été réveillés une fois de plus par « le petit gros du douzième étage », comme ils l’appelaient. Et un bref instant, comme souvent les matins où il manquait de sommeil, il se dit que, quand même, il avait la belle vie, autrefois, avant de devenir président de la République.

    Frédéric Rouvillois (Causeur, 8 juin 2012)

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  • L'homme sur la photographie...

    Nous reproduisons ci-dessous une analyse de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré à la photographie officielle de François Hollande, président de la République... Bien vue !...

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    L'homme sur la photographie

    Le « changement » se niche partout. Y compris dans la photo officielle du nouveau président de la République, prise par Raymond Depardon dans les jardins de l’Elysée.

    La nouvelle photographie a été annoncée comme un grand événement. C’est « un moment d’histoire », a déclaré le directeur de cabinet du président. Certains se contentent de peu.
    Que voit –on en effet sur cette photographie ?
    Rien. Ou beaucoup de choses, au contraire.

    Un homme dans un parc

    On voit d’abord un homme dans un parc, vêtu d’un complet sombre.

    L’Elysée étant pris sous un angle inhabituel, on ne sait pas au premier regard que l’on a affaire au premier personnage de l’Etat. On voit au loin deux vagues bâtisses et, à gauche, des étoffes qui pendent : trois couleurs et quelque chose de moins identifiable à côté (c’est, semble-t-il, le drapeau de l’Union européenne).

    Est-ce le château de Moulinsart ? Est-ce une publicité pour le catalogue de Relais et Châteaux ? On ne sait pas bien. Tout est flou et loin. Fuyant même.

    Et le parc en arrière plan est désert : pas de fleurs, pas d’animaux, pas d’enfants qui courent, pas de garden-party. Rien que de l’herbe. Un ennui sidéral se dégage de ce parc. Il n’y a qu’un arbre, à droite de la photographie : il se situe en arrière-plan, éclairé, alors que l’homme est dans un clair-obscur. Il n’a manifestement pas eu la chance de passer de l’ombre à la lumière comme J. Lang en 1981 : lui, il y est resté.

    Un homme tronc

    L’homme est pris en « plan américain », il a les jambes coupées. Mauvais présage.

    L’homme nous regarde mais son corps est orienté de trois quarts vers sa gauche, comme s’il allait bouger : ses mains, assez grosses d’ailleurs par rapport à son visage, ne sont donc pas au même niveau, ce qui fait bizarre. Dans un western, on pourrait penser qu’il va dégainer, mais il est désarmé.

    Aurait-il un bras plus court que l’autre, comme Guillaume II ? La photo donne l’impression que l’homme voudrait avancer ou nous dire quelque chose, mais qu’il ne le peut pas. Il reste muet et figé. Comme paralysé dans son élan.

    Un homme banal

    Cet homme pourrait être n’importe qui : le responsable du marketing d’une grande multinationale, un cuisinier renommé, un notaire ou le cousin machin. Rien dans la photographie ne nous indique sa fonction, sinon son sous-titre : « François Hollande, Président de la République Française ». Française : il faut préciser, en effet ; il pourrait être élu au Bundestag ou aux Cortes, le décor serait le même. C’est à cela qu’on reconnaît habituellement « l’art contemporain » : il faut que quelqu’un décode l’œuvre, sinon personne ne comprend le « geste » de l’artiste !

    La légende nous éclaire : voilà un président « normal ». C’est un Français banal, mais qui habite dans un château et qui doit s’enquiquiner toute la journée dans son grand parc désert ; un milliardaire qui s’ennuie, comme le dessinateur Sempé savait les croquer. On comprend qu’il n’ait pas envie de rire, surtout s’il pense aux impôts et aux charges qu’il va devoir bientôt payer.

    Suivez son regard

    Son directeur de cabinet croit nécessaire de nous indiquer qu’il a le regard « tourné vers la France, avec à la fois beaucoup d’attention, beaucoup d’humanité et beaucoup de vigilance ».

    On a, en effet, besoin de cette explication pour comprendre qu’il s’agit d’un homme politique. Mais un examen plus attentif de la photographie montre que, compte tenu de son orientation, l’homme ne nous fixe pas vraiment : il vise notre épaule droite et au-delà. Son regard passe donc au-dessus de nous. Mais que regarde-t-il ? L’horizon électoral ? La crise financière qui revient ? Les entreprises qui vont fermer ? Les futurs cortèges de « partenaires sociaux » ? On ne sait pas trop.

    Une posture inconfortable

    A l’évidence son sourire est indéfinissable. Il ne respire ni la joie de vivre ni la grande santé. L’inclinaison vers le bas de ses yeux n’arrange rien. Le propriétaire des lieux a le front dégagé, mais il a l’air préoccupé, crispé même. Comme s’il ne savait que faire.

    Avancer ? Mais il ne le peut pas puisque ses jambes sont coupées : c’est un homme tronc qui nous regarde. Pivoter vers sa gauche ? Il irait encore plus dans l’ombre : vers le côté obscur de la force politique, en quelque sorte. Pivoter vers sa droite ? Difficile dans la position où il se tient : il va se faire un tour de reins. Reculer ? Mais il va se perdre dans ce grand parc désert et lugubre ! La photo nous montre qu’il se tient déjà dans une posture bien inconfortable !

    Objectif atteint

    Il paraît qu’il a fallu prendre 200 clichés avant d’arriver à celui-là. Les autres devaient être pires, sans doute ! Ce portrait tranche assurément avec celui de ses prédécesseurs et sur ce plan l’objectif de communication est atteint.

    Ce portrait n’exprime pas, en effet, la solidité des institutions ni la grandeur de l’Etat comme au temps d’un De Gaulle ou d’un Mitterrand. Non : dénué de tous les symboles de l’autorité républicaine, le personnage paraît au contraire flotter dans sa photo, comme si ce rôle était trop vaste pour lui. Sans ses jambes, il manque d’assise.

    Le portrait n’exprime pas vraiment non plus le mouvement ni les lendemains qui chantent : c’est une photographie qui ne se veut pas pausée, mais qui n’en est pas moins figée.

    La photo n’exprime pas, enfin, la détermination qu’on attendrait de la part du capitaine quand la tempête menace. L’homme a l’air gentillet, mais ses bras sont ballants et ses mains ouvertes. Il ne tient rien, il ne s’appuie sur rien, il ne désigne rien. Il est là, c’est tout : enfoncé jusqu’à mi-cuisses dans ce parc, déjà englué dans la réalité.

    C’est à sa manière, un portrait qui inquiète.

    Michel Geoffroy (Polémia, 6 juin 2012) 

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  • Le vol du bourdon...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Michel Geoffroy, cueilli sur Polémia et consacré aux débuts de la présidence Hollande...

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    Le retour de la gauche : le vol du bourdon

    Aux législatives de juin, la gauche devrait obtenir, selon les sondages actuels, moins de voix que la droite mais elle gagnerait pourtant la majorité de l’Assemblée nationale : cela grâce à la désunion suicidaire de la droite.

    La gauche va donc bientôt cumuler tous les pouvoirs, mais on voit bien que le cœur n’y est pas. Car nous ne sommes plus en 1981.

    Pas d’état de grâce

    Le sondage Harris Interactive du 16 au 18 mai 2012 (soit après l’annonce de la composition du nouveau gouvernement) montre que si F. Hollande jouit pour le moment d’une opinion favorable (54% déclarent lui faire confiance), il est loin d’atteindre les scores de ses prédécesseurs. Le sondage TNS Sofres/Sopra group/ Figaro Magazine des 25 et 26 mai 2012 (leFigaro.fr du 31 mai 2012) donne des résultats voisins (55% d’opinions favorables). Mais Mitterrand en 1981 atteignait 74% d’opinions favorables et Sarkozy 63% en 2007. En d’autres termes, F. Hollande ne bénéficie pas d’un véritable état de grâce. Ces sondages ne doivent pas surprendre : ils reflètent en effet une réalité politique simple : F. Hollande n’a pas été élu à la majorité des votants (seulement 48,6% des votants).

    Certes, les sondages montrent aussi qu’une majorité de personnes interrogées ne veulent pas d’une nouvelle cohabitation, qui signifierait un nouvel immobilisme, ce qui laisse présager une majorité socialiste aux élections législatives. Mais cela ne signifie pas que le programme socialiste soit « majoritaire » pour autant.

    Un mauvais goût de déjà vu

    En 1981, la gauche avait la satisfaction de parvenir enfin seule au pouvoir, une première depuis la Libération. Elle était en outre bardée des certitudes du Programme commun et promettait la « rupture ». Aujourd’hui, la victoire de la gauche a un mauvais goût de déjà vu et dans les beaux quartiers on ne croit plus que les chars russes vont bientôt déferler sur les Champs-Elysées.

    En 1981, des fonctionnaires avaient quitté leurs fonctions pour ne pas collaborer avec le nouveau pouvoir socialo-communiste. Aujourd’hui, personne ne l’a fait. La gauche a repris l’Etat comme si de rien n’était, car elle fait partie des meubles désormais.

    Ce n’est pas la normalité qui triomphe, c’est la morosité

    Ce n’est pas la « normalité » qui triomphe mais la morosité qui est générale. Il n’y a que les Français de papier pour agiter des drapeaux – étrangers – de la liesse « populaire ».

    Car si la droite est une fois de plus dans les choux, la gauche aborde 2012 avec un logiciel idéologique dépassé. Mais elle donne le sentiment d’en avoir vaguement conscience, au surplus.Cela ajoute au malaise, et explique sans doute le visage crispé et triste du nouveau président, qui se demande sans doute comment il va « appliquer son programme » de changement après les élections. Mais pour changer quoi, au juste ?

    Un logiciel économique dépassé

    Par exemple F. Hollande a demandé à la Cour des comptes un audit des finances publiques… comme en 1981. Mais F. Hollande semble ignorer que depuis 2006 les comptes de l’Etat sont tenus en comptabilité générale et certifiés : on mesure exactement ses engagements. On connaît avec précision l’ampleur de la dette et des déficits publics. L’audit ne sert à rien, sauf à faire de la communication sur « l’héritage » de Sarkozy ; et aussi à semer l’inquiétude sur la situation de la France.

    Car la gauche française, qui promet de maîtriser les déficits en retrouvant la croissance, ne sait pas – et n’a jamais su – réduire les dépenses publiques. Dans le meilleur des cas elle gagera laborieusement d’un côté le surplus de dépenses qu’elle a promis de faire de l’autre. Son truc c’est, au contraire, toujours d’augmenter les impôts, bien sûr au nom de la « justice sociale », en fait de l’égalitarisme. C’est bien plus facile à réaliser avec une majorité godillot qui vient d’être élue ; et c’est bien plus porteur que de mécontenter les différentes clientèles qui bénéficient des largesses publiques, en particulier dans les « banlieues » qui ont voté pour la gauche.

    Bien sûr, la gauche prétend que les dépenses publiques vont stimuler la croissance tant attendue et réduire le chômage. Tous les socialistes européens le croient depuis 1848. Les Français espèrent aussi profiter d’un relâchement des disciplines budgétaires avec l’affaiblissement politique de Mme Merkel.

    Nous ne sommes plus au temps de Blum, de Keynes ni de Mitterrand

    Mais, à la différence de 1936 ou de 1981, nous vivons dans une économie désormais ouverte, sous la surveillance constante des opérateurs financiers. Tout relâchement des efforts budgétaires est interprété en temps réel et provoque la défiance des marchés et se répercute sur la valeur de la monnaie. A peine le gouvernement a-t-il annoncé un relèvement du SMIC que les avertissements de Bruxelles pleuvent sur lui. Un premier avertissement sans frais, avant celui des marchés. Et la croissance se développe en Asie, pas dans la vieille Europe vieillissante et désindustrialisée. Les dépenses publiques n’y changeront rien. Pour retrouver la croissance, il faudrait changer de système. Mais la gauche, ralliée au libre-échangisme, en est incapable.

    Le salut par les partenaires sociaux ?

    L’autre solution miracle de la gauche consiste à en appeler aux « partenaires sociaux » : Grenelle, le retour IV !

    Mais c’est un mauvais remake car les syndicats sont aujourd’hui encore moins crédibles qu’hier. Et les apparatchiks syndicaux, qui arrivent à Matignon dans leurs belles voitures de fonction, déballent déjà leur cortège de revendications catégorielles, toutes moins finançables les unes que les autres.

    Si M. Hollande s’en tient à son programme nous aurons donc plus d’impôts, plus de déficits et plus de chômage financé sur fonds publics. Cela ne sera pas vraiment le « changement » pour la classe moyenne ! S’il change de programme, il devra affronter la grogne des camarades syndiqués. Bonjour tristesse !

    Jules Ferry le retour

    Dépassé aussi le logiciel pédagogique de la gauche : on appelle encore les mânes de Marie Curie et Jules Ferry à la rescousse, comme au bon vieux temps de la communale !

    Cela doit sans doute réjouir les vieux militants, mais manifestement d’aucuns n’ont pas vu le terrifiant film Entre les murs, de Laurent Cantet, ou La Journée de la jupe… Car aujourd’hui Marie Curie se ferait violer et Jules Ferry serait traité de céfran raciste par les « jeunes », en classe.

    Mais on va recruter de nouveaux « enseignants », revoir l’autonomie des universités (pour leur donner plus de moyens, on suppose) et augmenter l’allocation de rentrée scolaire, comme si de rien n’était. Tout ira certainement pour le mieux dans le Tonneau des danaïdes pédagogiques…

    Le retour des bisounours

    Dépassé aussi le logiciel sécuritaire de la gauche : on va créer des zones de sécurité prioritaires (avec le succès des ZEP, sans doute…) et, bien sûr, revenir sur la justice des mineurs, jugée trop répressive. La première sortie officielle de Mme Taubira a malheureusement permis à un détenu de prendre la fuite (Le Monde du 23 mai 2012). Tout un programme.

    Que dire aussi de la façon dont la gauche approche le défi de l’immigration ?

    Le vol du bourdon

    Comme un bourdon pris au piège, la gauche se cogne aux fenêtres de la réalité, avant même d’avoir commencé à agir. A peine installés, les jeunes ministres socialistes nous paraissent déjà prématurément vieillis. On a l’impression qu’ils sont là depuis dix ans. Mais c’est sans doute parce qu’ils y étaient sous un autre nom.

    Bien sûr, la gauche saura se donner du mouvement, au début, pour faire croire au « changement » : un peu de droits des femmes par ci, un peu de réduction des rémunérations par là, un peu de taxe sur les « riches » aussi, et un zeste de droit de vote des immigrés pour pimenter la sauce médiatique. Mais, pour les vrais miracles, il va falloir attendre un peu plus longtemps !

    A peine élu, F. Hollande s’est précipité à Berlin et à Washington. Tout un symbole : le bourdon triste au pays des abeilles. Car c’est là, et non à Paris, que se prennent les vraies décisions de nos jours. Mais en se rendant en Allemagne son avion a été foudroyé. Comment les anciens Grecs auraient-ils interprété ce signe des dieux ?

    Michel Geoffroy (Polémia, 31 mai 2012)

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  • G8, mon amour...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue acide et sans illusion de Jérôme Leroy, cueilli sur Causeur et consacré au sommet du G8...

    Auteur de romans d'anticipation noire, comme Monnaie bleueBref rapport pour une très fugitive beauté ou  La minute prescrite pour l'assaut, Jérôme Leroy a récemment publié Le Bloc, aux éditions Gallimard...

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    G8, mon amour

    Je regarde une photo de famille, comme on dit, du dernier G8 à Camp David. François Hollande, encore une chose à mettre au passif de son bilan catastrophique, forcément catastrophique, a commis une énorme faute de goût. Cette année, le protocole avait demandé que les chefs d’état soient habillés « casual ». Evidemment, il est arrivé en costume et a dû retirer en catastrophe sa cravate. Il se croyait où, ce ballot ? Encore sur le marché de Tulle à distribuer des tracts socialistes ? Décidément, il n’est pas rompu aux exercices d’hypocrisie, notre nouveau président. Quand le gouvernement mondial s’apprête à accroître la pression sur les peuples, quand il va mener une politique encore plus dure, il doit se montrer résolument et définitivement cool. L’équivalent sur le plan vestimentaire, si vous voulez, de cette figure rhétorique que l’on appelle l’antiphrase.

    J’espère que Hollande n’a pas oublié de tutoyer ses homologues, en plus. Il ne manquerait plus qu’il ait voulu la jouer solennel, mettre des formes comme dans les sommets internationaux du monde d’avant. Non, un G8, c’est comme une start-up, une entreprise jeune et sympathique où tout le monde se dit tu, se passe la main dans le dos, est super-pote, où l’on adopte là aussi le casual friday, où l’on se souhaite de manière sympatoche les anniversaires. Ce coup-ci, d’après ce que j’ai compris, c’était celui du premier ministre japonais, Yoshihiko Noda. Il a eu le droit à un beau gâteau au chocolat garanti non irradié et comme il a vite eu la bouche pleine, il n’a pas pu répondre au véritable bilan humain et écologique de Fukushima. D’ailleurs, personne n’aurait eu le mauvais goût de lui poser la question. Il y avait des sujets autrement plus urgents à débattre. Une vraie ligne de fracture idéologique entre croissance et austérité, plus exactement entre austérité libérale et croissance libérale.

    La différence ? Ah, mais elle est essentielle, la différence… Par exemple, une politique d’austérité libérale vise à l’équilibre budgétaire, restreint le crédit, augmente la durée du travail et les impôts tout en baissant les salaires. En revanche, une politique de croissance libérale, celle souhaitée par Hollande, le SPD allemand ou même par Obama qui angoisse légèrement à l’idée de voir l’Europe devenir un marché atone pour ses exportations et des pays comme la Grèce ou l’Espagne menacer de faire imploser le système en se clochardisant, c’est tout le contraire.
    La croissance libérale utilise les fonds publics, comme les fonds de stabilité de l’UE ou ceux de la Banque Européenne d’investissement, pour doper l’investissement privé et améliorer la compétitivité. Evidemment, cela suppose que l’on baisse les salaires et que l’on augmente les impôts.

    Si vous ne voyez pas de différence, c’est que vous êtes un salarié. Un salarié de mauvaise foi, probablement syndiqué de surcroît. Ou alors, par un regrettable malentendu, vous avez cru que la croissance libérale correspondait à un genre de néo-New-Deal rooseveltien. Auquel cas, on vous répondra qu’il ne faut pas prendre les enfants du bon dieu pour des keynésiens sauvages et que l’espoir de voir la génération suivante vivre mieux que vous, ou même simplement moins mal que vous, est terminé. Et ce ne sont pas les petits voyous d’étudiants québécois auxquels on répond par des lois d’exception, les indignés espagnols qui font leur retour sur les plaza, le terrorisme de la « jambisation » qui reprend en Italie ou les manifestations endémiques en Grèce qui vont changer quoi que ce soit à la saine gestion du capitalisme planétaire.

    Je regarde encore la photo du G8. Quelque chose me gêne, mais quoi ? Ah, ça y est j’y suis. Autour de la tablée des chouettes copains, il y en a de moins en moins qui tiennent leur pouvoir d’une quelconque légitimité populaire alors que je pensais naïvement que le libéralisme économique supposait le libéralisme politique. Par exemple, Barroso, pour la Commission Européenne, cet ancien maoïste de la révolution des Œillets qui ferait désormais passer Alain Madelin pour Lénine, il est élu par qui, en fait ? Et Mario Monti, l’ancien employé du mois de Goldman Sachs, l’éminent membre du groupe Bilderberg, à la tête de son gouvernement technique, il a gagné quoi comme élections ?

    Mélenchon, avec sa sale tête, a parlé du G8 comme d’ « une institution détestable ». Je trouve aussi. Mais je me rends bien compte de la stérilité de mon attitude. Et je sais qu’un jour, après un long travail, on pourra dire de moi ce qu’Orwell dit de Winston à la fin de 1984 : « Il aimait Big Brother. » Euh, pardon, « Il aimait le G8. »

    Jérôme Leroy (Causeur, 22 mai 2012)

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  • Derrière l'éloge fait à Jules Ferry...

    Nous reproduisons ci-dessous un point de vue grinçant de Bernard Lugan , cueilli sur son blog et consacré à l'hommage rendu par François Hollande à Jules Ferry...

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    Derrière l'éloge fait à Jules Ferry
     
    Lorsque l’on est président de la République, l’on se doit d’être prudent avec l’Histoire et de demander à ses conseillers de relire soigneusement leurs fiches. Nicolas Sarkozy et François Hollande l’ont tous deux appris à leurs dépens. Le premier avec son « Discours de Dakar », dans lequel, voulant paraître avoir compris des Afriques dont il ignorait tout, il humilia gravement les Africains. Le second avec son éloge de Jules Ferry, quand, pensant placer son mandat sous la figure tutélaire d’un homme de gauche consensuel, il provoqua la polémique, une grande partie de ses millions d’électeurs issus de notre ancien Empire colonial considérant le « père de l’Ecole républicaine » comme un odieux « raciste ». Adieu le consensus…

    Faut-il que la culture historique des conseillers du nouveau président soit à ce point partielle qu’ils aient pu ignorer que Jules Ferry a, en son temps, tenu des propos qui, aujourd’hui, le feraient très sévèrement condamner par les tribunaux ? Dans son fameux discours du 28 juillet 1885 prononcé devant les députés, il déclara ainsi : « Il faut dire ouvertement qu’en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures ; mais parce qu’il y a aussi un devoir. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures ». Précisant sa pensée, il ajouta même que la colonisation est le « devoir d’hommes de race supérieure »…
    Pour Jules Ferry, la conquête coloniale n’était brutale qu’en apparence puisque son but était civilisateur. La République n’avait-elle pas agi de même avec les « fanatiques » Vendéens pour les libérer de leur « obscurantisme », avec les Bretons, les Occitans ou les Basques et toutes ces « peuplades inférieures » qu’elle brisa et accultura par « altruisme », pour les transformer et les « sublimer » en Français ? Il devait donc en être de même avec les « sauvages » d’Afrique. Toujours par amour de la Liberté et du genre humain.
    Chez Jules Ferry se retrouvent à la fois la notion de conquête émancipatrice et celle d’une France patrie des Droits de l’Homme ne pouvant se dérober devant les exigences de cette croisade laïque, libératrice et pour tout dire républicaine, qu’était la colonisation. D’ailleurs, pour lui, « la race supérieure ne conquiert pas pour le plaisir, dans le  dessein d’exploiter le faible, mais bien de le civiliser et de l’élever jusqu’à elle » (Discours du 28 juillet 1885). 

    Ceux qui ont applaudi le discours prononcé au pied de sa statue dans l’attente fébrile de maroquins tant espérés, Madame Taubira en tête, ainsi que les édiles socialistes qui ont fait débaptiser des universités et des rues portant le nom d’Alexis Carrel, ont donc une mémoire curieusement sélective, pour ne pas dire hémiplégique…
    Pour justifier une politique coloniale qui était à l’opposé du Contrat social, la gauche française établit en effet une hiérarchie entre les « races », entre « les civilisations ». Etant ses héritiers sans même le savoir, par simple imbibition à l’air du temps, messieurs Sarkozy et Guéant firent de même… et il leur en coûta médiatiquement… Pourtant, aussi tard que le 9 juillet 1925, Léon Blum, cette autre grande conscience républicaine elle aussi irréprochable, n’avait pas craint d’affirmer devant les députés : «Nous admettons le droit et même le devoir des races supérieures d'attirer à elles celles qui ne sont pas parvenues au même degré de culture et de les appeler aux progrès réalisés grâce aux efforts de la science et de l'industrie. »
    Lors du congrès de la Ligue des droits de l’Homme qui se tint à Vichy en 1931, Albert Bayet, son président, déclara quant à lui sous les applaudissements nourris des ennemis de toutes les intolérances, que la colonisation française était légitime car porteuse du message des « grands ancêtres de 1789 » et que, coloniser revenant à : « Faire connaître aux peuples les droits de l’Homme, ce n’est pas une besogne d’impérialisme, c’est une tâche de fraternité ».

    A la différence des partisans des lois mémorielles, mille-feuilles historicide interdisant toute recherche, l’universitaire est bien conscient qu’il ne s’agit évidemment pas ici d’oublier le contexte qui prévalait à l’époque. Condamner les propos de Jules Ferry, d’Albert Bayet ou de Léon Blum en ayant l’œil fixé sur l’étalon mètre du politiquement correct que leurs héritiers ont déposé dans le pavillon de Flore de la pensée unique serait en effet une aberration scientifique. Ceci ne doit cependant pas dispenser les héritiers des « grands ancêtres », aujourd’hui si prompts à la repentance et aux condamnations hors contexte, d’oublier de « balayer devant leur porte ».

    En définitive, derrière l’éloge en apparence « innocent » de Jules Ferry prononcé par François Hollande,  se cachent deux hypothèses :

    1) La première est qu’à Sciences-Po et à l’ENA, les professeurs d’histoire du futur président devaient être particulièrement incompétents et que ses actuels conseillers ont de singulières lacunes historiques. Nous aurions là la preuve par 9 des résultats obtenus par ces « pédagogistes » enkystés au ministère de l’Education nationale depuis la Libération et qui, tant sous les régimes de gauche que sous les régimes dits de « droite », n’ont eu de cesse d’assassiner l’enseignement de l’histoire.

    2) La seconde serait au contraire celle d’une volonté clairement affichée d’un grand retour aux sources idéologiques de la gauche française, François Hollande raccrochant ainsi une famille doctrinalement déboussolée par le « mitterrandisme » aux mythes fondateurs de la République, tout en occultant prudemment le fait que le « père de l’école républicaine » fut le chantre d’un certain « racisme philanthropique ».

    Les années à venir nous diront laquelle de ces hypothèses était la bonne…

    Bernard Lugan (Blog officiel de Bernard Lugan, 17 mai 2012)
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